Les professeurs

C'était
une soirée hivernale, où le froid était présent dans chaque rue, le
silence pesait dans l'air et le vent fouettait tout fou qui
s'aventurait hors de chez lui. Tsuki se trouvait dans une petite rue du
village, devant une boutique. La devanture affichait "Bibliothèque" et
l'intérieur de la boutique était éclairé par une unique chandelle qui
produisait un pâle halo de lumière jaune, entourée par les ténèbres de
la nuit. Une ombre se mouvait, allant de gauche à droite dans la
boutique. La jeune fille qui attendait toujours dans le froid se décida
à pousser la porte et rentra dans la bibliothèque. Elle referma vite la
porte avant que le vent ne s'y engouffre et observa les lieux où elle
se trouvait. L'air était chargé d'odeurs de papier, de cire chaude et
d'encre. Tsuki avança de quelques pas, jusqu'à l'endroit où se trouvait
la chandelle. En patientant, elle sortit de sous sa cape, un lourd
ouvrage, d'aspect très vieux, dont la couverture se détachait du reste
des pages. Dans le silence de la bibliothèque, elle posa le livre sur
le comptoir et l'ouvrit à la première page où était écrit en lettre
dorées et ouvragés : Mythes&Légendes du village des Liivt racontés
par les anciens.
- Puis-je t'être utile mon enfant ?
demanda une voix douce et effrayante derrière elle, qui avait surgit
dans la nuit. Tsuki sursauta à l'entente de la question, ses mains se
crispant sur le livre qui s'effrita un peu plus. La jeune fille respira
lentement pour reprendre ses esprits et se retourna, le cœur palpitant
encore. En face d'elle se trouvait une petite femme, le dos voûté. Elle
se tenait sur une canne, où ses mains ridés et veineuses s'agrippaient
tellement que leurs jointures apparaissaient. Ses cheveux gris sales
était retenus en un haut chignon et ses yeux noirs et perçant
observaient Tsuki. Cette dernière répondit avec une voix chevrotante :
-
Je suis venue ici pour vous montrer ceci, dit-elle en pointant le livre
sortit depuis peu. Il y a dedans une histoire qui m'intéresse et je
voudrais des explications plus précises.
Les yeux de la
vielle femme s'étaient posés sur l'ouvrage et, lorsqu'ils eurent lus le
titre, ils s'exorbitèrent. Tsuki pensa alors que la femme allait la
faire sortir de sa boutique et lui dire de ne plus jamais remettre les
pieds chez elle. Mais, à sa grande surprise, la vielle dame sourit,
d'un sourire dévoilant une bouche dépourvue de la moitié de ses dents.
- Viens avec moi, je vais t'expliquer ce que tu veux savoir.
Elle se dirigea vers l'arrière boutique, traversa un rideau de couleur
pourpre et disparut dans le noir, laissant Tsuki à nouveau seule dans
le silence de la bibliothèque. La jeune fille se décida à suivre la
bibliothécaire. Elle attrapa le livre et marcha en direction du rideau.
L'arrière boutique était une pièce grande et sombre, éclairée par
quelques bougies accrochées aux murs. Sur les murs s'étendaient de
longues étagères, toutes remplies de livres qui paraissaient aussi
vieux que celui que Tsuki tenait sous le bras. La femme était assis
près d'une table, cherchant quelque chose dans une meuble à ses côtés.
Tsuki s'assit sur la chaise qui faisait face à la vielle femme et posa
l'ouvrage sur la table. La femme se redressa, portant à présent une
paire de lunettes. Elle attrapa le livre avec des gestes doux et lents,
pour ne pas l'abîmer. Le silence s'était installé, un silence sur à
soutenir pour Tsuki, mais qu'elle affrontait, trop fébrile de connaître
enfin la vérité. Après avoir lu un chapitre, la femme leva les yeux
vers Tsuki et lui demanda :
- Tu veux savoir la vérité à propos de l'Eau Tumultueuse n'est ce pas ? C'est pour cela que tu es venue dans ma boutique.
Tsuki
ouvrit la bouche, étonnée que la vielle femme ait pu découvrir la
raison de sa visite juste en lisant un chapitre de l'ouvrage qui en
comportait beaucoup plus. Mais aucun son ne sortit de sa bouche. La
femme continua alors.
- Ce que tu dois savoir ma
chère enfant, c'est que l'Eau Tumultueuse existe bel et bien. Elle est
cachée derrière une cascade comme le dit ce livre. En revanche, nul ne
sait si elle recèle bel et bien un trésor. Je suppose que tu veux
connaître l'emplacement de cette cascade.
Avant que Tsuki
n'ait le temps de répondre à la question, la femme se leva et de
dirigea vers une étagère où s'entassaient des rouleaux de papiers, sans
doute des cartes. La vielle s'empara d'un de ces rouleaux et revint
vers Tsuki. Elle se rassit et étala le rouleau sur la table. Il
s'agissait bien d'une carte, mais une carte du village des Liivt où les
cascades du village ressortaient, d'une couleur blanche argentée. La
femme posa son doigt noueux sur une des cascades, qui était d'une
couleur plus argentée que les autres, située près de la Rivière des
Désirs.
- C'est ici. Voici la cascade où se
cache l'Eau Tumultueuse. Pour t 'y rendre longed la rivière et lorsque
tu seras au bout, tu la verras.
Tsuki se leva, et regarda la
femme. Il lui faudrait au moins toute la nuit pour arriver à longer la
rivière, qui faisaient de nombreux kilomètres, traversant tout le
village d'est en ouest. Comme si elle avait lut dans les pensées de la
jeune fille, la vielle femme pris la parole :
-
Je peux t'aider. Je connais un raccourci qui te mènera à quelques
mètres de la cascade. Si tu veux de mon aide, promet moi juste une
chose.
Tsuki s'attendait à ce que la bibliothécaire lui
demande de partager le trésor avec elle, ou de l'or. Mais à sa grande
surprise, elle lui demanda une tout autre chose :
-
Donne moi juste ce livre. C'est un livre unique dans ce monde. Je
serais très heureuse que tu me laisse le rajouter à ma collection.
La
jeune fille accepta la demande de la vielle dame. Les larmes aux yeux,
la femme reprit l'ouvrage avec des gestes doux, comme la première fois
qu'elle l'avait eut entre les mains et le posa sur une étagère. Puis
elle demanda à Tsuki de la suivre jusqu'à une porte qu'elle ouvrit. Un
vent glacial s'engouffrit dans l'arrière boutique et le rideau qui la
séparait de la boutique se souleva. Les bougies s'éteignèrent et la
pièce fut plongée dans le noir. Tsuki distinguait difficilement la voix
de la femme disant de suivre le chemin qui débouchait à côté de la
cascade, masqué par le bruit du vent violent. Avant d'avoir pu dire
quoi que ce soit d'autre, Tsuki fut poussé dans la tunnel et la porte
se referma avec un bruit sourd. Le coeur battant la chamade, Tsuki
s'avança dans le tunnel sombre. Seul le bruit de ses pas qui résonnait
sur les parois de pierre du chemin l'accompagnait. Le vent s'était
calmé mais le froid subsistait toujours. Après un long moment de
marche, Tsuki vit enfin de la lumière, une lumière pâle et effrayant,
comme si la mort s'était transformée en lumière. La jeune fille
entendit aussi le lent écoulement de l'eau, ce qui lui indiqua que la
Rivière des Désirs n'était pas loin. Le tunnel débouchait sur une
clairière, près de la rivière, un endroit où Tsuki n'avait jamais mis
les pieds. La lumière qu'elle avait vu était produite par la lune et
ses rayons éclairaient la rivière, la vêtant d'un manteau d'argent
fondu. Le bruit d'une cascade parvint aux oreilles de Tsuki qui tourna
la tête vers la source du bruit. La lumière produite par la lune
rendait sa tâche plus aisée mais aussi quelque peu plus effrayante
encore. La jeune fille se décida à avancer de quelques pas. L'herbe qui
recouvrait le sol terreux étouffait ses pas et elle continua son chemin
jusqu'à arriver devant la cascade. Un merveilleux spectacle s'ouvrit
alors devant ses yeux : la cascade, semblable à un flot de métal fondu,
tombait sur les eaux de la rivière, se répercutant sur des rochers qui
semblaient flotter dans les airs. Cette rencontre entre les eaux
tumultueuses de la cascade et calmes de la rivière produisait un bruit
apaisant qui détendit Tsuki. Après être resté quelques minutes devant
ce spectacle splendide, elle décida de s'approcher de la cascade. Des
gouttes d'eau tombèrent sur ses cheveux tandis qu'elle cherchait une
faille par laquelle elle pourrait pénétrer derrière la chute d'eau.
Elle aperçut alors cette faille, très fine mais pas assez pour que
Tsuki, étant assez mince, ne puisse passer. La jeune fille palpa la
roche pour voir si elle ne risquait pas de s'effondrer. Après avoir
vérifier que tout était bien, elle passa un pied par la faille, puis le
reste de sa jambe. Elle se mit de profil pour pouvoir se retrouver de
l'autre côté. Ce fut comme si quelqu'un avait coupé le son. Plus aucun
bruit de parvint aux oreilles de Tsuki, ni le bruit de la cascade, ni
celui de la rivière. La grotte était vaste, sombre mais l'air y était
doux, le froid avait était remplacé par une douce tiédeur, et une
légère brise soufflait. Tsuki aperçut vers le fond de la grotte, une
lueur rosé se projetant sur les parois de pierre. Déglutissant, le
coeur se décrochant pratiquement de sa poitrine, la jeune femme
s'avança parmi les roches et la poussière de roche en direction de la
source de lumière. Arrivée, sa cape déchiré à plusieurs endroits, les
cheveux en bataille, le souffle court, Tsuki put voir devant elle un
bassin ouvragé, couvert de symbole que la fille reconnaissait comme
étant de l'ancienne langue. C'était ce bassin la source de cette
lumière. En effet, s'approchant du bassin, elle découvrit un liquide de
couleur rose pâle aux reflets parme, ondulant en sa direction, parsemé
de fines vaguelettes. Elle avait découvert l'Eau Tumultueuse, le
liquide cherché de tous. Cachait-il un trésor ? Ou bien avait-il déjà
était pris ? Tsuki était plus à la recherche de l'Eau pour l'aventure
que pour l'argent mais l'excitation la prit à la gorge et sans
réfléchir, ayant le sentiment que c'était ce qu'il fallait faire, elle
plongea ses mains dans le bassin. L'eau se mit alors à remuer,
doucement au début puis de plus en plus fortement. Sa couleur passa du
rose pâle au blanc éclatant si bien que Tsuki dû fermer les yeux pour
ne pas être aveuglée. Des détonations se firent entendre, faisant
trembler la grotte. Tsuki s'accrocha au bassin, tandis que autour
d'elle, le chaos s'abattait. Puis tout s'arrêta. Le silence revint et
la terre cessa de trembler. La jeune femme ouvrit les yeux et devant
elle, là où quelques minutes auparavant se tenait le bassin, il y avait
un coffret de couleur marron . Les mains tremblantes, elle ouvrit le
coffret. L'intérieur était recouvert de tissu parme, de même
consistance que le rideau qui se trouvait dans la bibliothèque. Il
était rempli de pièces d'or qui étincelaient comme des lucioles. Tsuki
referma le coffret, le mit sous le bras et se dépêcha de sortir de la
grotte, empruntant le même chemin que pour l'aller. Dehors, le jour
s'était levé et la nuit froide et venteuse avait laissé place à une
journée ensoleillée dépourvue de vent et de nuage. La cascade et la
rivière produisaient toujours ce même son cristallin. Epuisée, à bout
de force, Tsuki se laissa tomber sur le sol où l'herbe amortit sa chute
et s'endormit aussitôt, le coffret toujours sous son bras.